Ce petit jeu minimaliste et contemplatif explore à l’aide de très courts poèmes le malaise ressenti dans des situations sociales lorsque nos corps ou nos esprits ne sont pas dans la norme. Il s’inscrit dans la même mouvance que les jeux de type fanzine appartenant à la vague queer (Anna Anthropy, Porpentine, Merritt Kopas,...) qui parlent des relations avec les autres, de dysphorie, des liens d’empathie, du rapport à soi et aux autres.
Notre corps ici n’est qu’un rectangle de couleur parmi d’autres rectangles tous identiques, et qui dans chaque tableau est confronté à la solitude au milieu d’une foule, livrant un petit morceau du poème à chaque changement de lieu.
Bien que le jeu ait une apparence et une interaction minimaliste (vous ne pouvez que déplacer vote rectangle-avatar et sauter), cette interaction est très importante car elle permet à la joueuse une projection physique et émotionnelle : elle devra chercher son corps parmi les autres et parfois se rendre compte que ce corps n’est pas adapté à l’environnement.
Les textes sont écrits à la manière du poète américain William Carlos Williams, en s’inspirant de sa simplicité et sa douceur, car nous cherchions des mots simples et doux pour aborder ces sujets difficiles.
I ALWAYS FEEL LIKE OTHERS ARE MIRRORS
IN FRONT OF WHICH I’M DANCING GROTESQUELY
IF I ADMIRE MY FACE, MY SHOULDERS, MY ARMS, MY FLANKS
AGAIN I REPLY TO MYSELF THIS IS NOT MY FAULT
THERE ARE SO COOL, SO DRUNK WITH THEIR SMART BIG SMILES
AND I TALK TO THEM IN MY SECRET MIND OF PURE LONELINESS
AND NO ONE KNOWS WHETHER I THINK GOOD OR EVIL
I AM HELPLESS
ASTERION
Astérion est le nom de naissance de l’enfant rejeté par Minos, plus connu sous son nom de monstre : le Minotaure. Ce sujet sert de fil directeur au texte qui guide la joueuse et le joueur au sein d’un labyrinthe.
Le texte est composé de deux parties distinctes : celle, dont les phrases se suivent logiquement, qui est une réécriture du mythe du Minotaure, et l’autre, qui est composée de phrases indépendantes, qui ne sont pas liées à un fil narratif précis.
Pour atteindre le coeur du labyrinthe, ce qui est le but du jeu, il faut suivre le fil directeur des pensées de notre avatar, Milo, en choisissant notre direction dans le dédale de murs et de phrases en se concentrant sur les morceaux de textes qui fonctionnent comme une suite et non pas comme des bribes de pensées indépendantes. A première vue cependant, les textes ne sont pas lisibles et se présentent comme un fourmillement de symboles déconstruits et illisibles. Pour pouvoir les lire, le bateau que nous contrôlons doit se placer à des points précis afin d’aligner les morceaux de texte et les rendre visibles.
Ce texte est aussi un hommage à d’autres textes, ajoutant une autre strate celles déjà existantes. C’est un mélange de poésie et de théorie, avec parfois des phrases empruntées à d’autres, et surtout une référence au livre de Danielewski La Maison Des Feuilles, livre labyrinthique par excellence, roman complètement fou qui mélange les sources littéraires pour parler d’une maison plus grande à l’intérieur qu’à l’extérieur, dans laquelle on se perd et on où l’on cherche continuellement un sens caché.
MOTHERLORD
Vous êtes seul-e dans votre chambre, vous prenez du bon temps accompagné-e de tout un tas d’accessoires. Vous entendez alors le bruit des pas de votre mère dans le couloir puis dans l’escalier menant à votre chambre. Il va vous falloir alors être le queer le plus rapide du monde afin de cacher en un temps record toutes preuves incriminantes !
Il est assez triste de constater que le sujet de la sexualité est abordé d’une manière totalement biaisée dans le milieu du jeu-vidéo. La très grande majorité des jeux pouvant être liés à ce sujet sont des jeux pornographiques et il est quasiment impossible d’en trouver qui en parlent comme d’un sujet social important, que ce soit avec humour, politiquement, poétiquement ou simplement, d’une manière bienveillante. La sphère du jeu-vidéo queer s’est emparée de ce sujet et a créé des jeux assez exemplaires tels que Dys4ia d’Anna Anthropy, qui parle de son parcours en tant que femme trans, ou encore No World Dreamers : A Sticky Zeitgeist de Porpentine qui aborde sans tabou la sexualité LGBT+ dans une fiction de S.-F. (pour trouver ces jeux vous pouvez vous rediriger vers la ludographie). Il est extrêmement important, et ce constat ne vaut pas que pour les jeux-vidéo, de se réapproprier les représentations de nos corps, et d’apporter un discours qui n’est ni méprisant ni fétichisant sur la sexualité queer.
Notre but avec Motherlord était de faire un petit jeu fun, littéralement un “tetris avec des sextoys”, qui n’a pas vocation à être particulièrement subversif mais seulement celle de faire rire nos ami-e-s et d’apporter un peu de fun dans la représentation de nos sexualités.
HOUSE OF FLAMES HOUSE OF VELVET
En 1967, Alison Knowles, artiste américaine du mouvement Fluxus, crée The House Of Dust, le premier poème généré par ordinateur. Les quatrains du poème se composent comme tel (en anglais) : « Une maison de…/ Dans…/ Utilisant…/ Habitée par…… ». Reprenant cette forme, nous avons créé notre propre version de ce poème en nous inspirant de l’histoire de nos luttes queers et féministes.
tonewall, émeutes, pink blocs, chaque terme référence des événements liés à nos combats. Venez vous promenez dans nos poèmes, que vivent les queers et que vive la lutte !
I LIKE AMERICA AND AMERICA LIKES ME II A joseph Beuys' adventure
En mai 1974, l'artiste allemand JOSEPH BEUYS fait une performance à New-York appelée I LIKE AMERICA AND AMERICA LIKES ME.
Voici son déroulé : Une ambulance se présente au domicile de l’artiste à Düsseldorf, en Allemagne. Il est alors pris en charge sur une civière, emmitouflé dans une couverture de feutre. Il va accomplir un voyage en avion à destination des États-Unis, toujours isolé dans son étoffe. À son arrivée à l’aéroport Kennedy de New York, une autre ambulance l’attend. Surmontée d’un gyrophare et escortée par les autorités américaines, elle le transporte jusqu’au lieu d’exposition. De cette façon, Beuys ne foulera jamais le sol américain à part celui de la galerie : il avait en effet refusé de poser le pied aux Etats-Unis tant que durerait la guerre du Viêt-Nam. Il coexiste ensuite pendant trois jours avec un coyote sauvage, récemment capturé dans le désert du Texas, qui attend derrière un grillage. Chaque jour, des exemplaires du Wall Street Journal, sur lesquels le coyote urine, sont livrés dans la cage. Filmés et observés par les visiteurs derrière un grillage, l’homme et l’animal partageront ensemble le feutre, la paille et le territoire de la galerie avant que l’artiste ne reparte comme il était venu.
Ayant fait mon mémoire de licence sur Beuys et sa pratique engagée et thérapeutique de l’art, j’ai une tendresse et un attachement particuliers pour le travail de cet artiste. Ce jeu peut être vu comme une blague pleine d’affection pour ce moment de l’Histoire de l’art.
PETER
Vous êtes Peter, vous venez de vous installer dans votre bureau flambant neuf, votre boss vous annonce votre mission, et le but du jeu est simple : découvrez quel sera votre seuil d’incompétence.
Selon la loi empirique du Principe de Peter, théorie économique des années 70, « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence », avec pour corollaire qu'avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité ». Par conséquent, vous serez promu jusqu’à ne plus être apte à votre travail et donc tous les hauts postes finissent par être occupés par des gens qui ne savent pas ce qu’ils font.
En soi, cette théorie est largement débattue: elle s’applique à des situations professionnelles spécifiques et n’est pas réellement prouvée, mais nous avons voulu y réfléchir avec des yeux de game designers et de l’appliquer dans un système de jeu.
Pour commencer nous y avons vu le côté politique, la potentialité d’aborder les conditions de travail dans le monde de l’entreprise, et ensuite, la similitude d’une mécanique comme celle-ci et de certaines situations vidéoludiques, quand le joueur/la joueuse, se retrouvent face à un jeu dont la courbe de difficulté les limite dans leur progression.
Nous avons choisi d’illustrer cette idée en choisissant un type de jeu très classique, un shooter “shoot ‘em-up” ou “shmup” car ce genre représente bien une mécanique assez proche du principe de Peter. Nous jouons jusqu’à atteindre un niveau de difficulté trop élevé pour nous dont la courbe de difficulté, au lieu d’être adaptative, est biaisée et mène à la perte obligatoire de la partie en cours. Ce fait était d’autant plus vrai à l’époque des salles d’arcades, remplie de jeux de ce type et dont le but était de faire jouer des sessions courtes et de plus en plus dures simplement pour alimenter financièrement la borne de jeu en poussant le joueur/la joueuse à remettre des pièces à l’intérieur .
DOOMGUY
MOD → Ce travail est un “mod”, c’est à dire une modification d’un jeu déjà existant, ici le jeu Doom.
Doom est un jeu vidéo de tir en vue à la première personne (en anglais FPS pour First Person Shooter), développé et édité par la société id Software et publié le 10 décembre 1993. Les technologies utilisées par ce jeu sont novatrices et lui donnent une renommée immédiate : d’une part des graphismes qui utilisent une 3D immersive, d’autre part de nombreux outils pour pouvoir permettre aux joueuses de créer leurs propres contenus ainsi qu’un mode multijoueur en réseau. L’année suivant sa sortie, dix millions de copies du jeu sont téléchargées, et vingt millions d’autres dans les deux années qui suivirent, faisant de Doom l’un des jeux les plus populaires de tous les temps, au même titre que Tetris.
Véritable révolution pour les joueuses de par son gameplay, instigateur rapide d’une sous-culture, Doom soulève également de nombreuses polémiques dès sa sortie, dépassant avec elles le monde du jeu-vidéo. Le contenu de ces polémiques met en exergue de nombreuses contradictions éthiques de la société américaine et capitaliste en général. Encore aujourd’hui, ce jeu de science-fiction et d’horreur ainsi que ses héritiers continuent de soulever quasiment les mêmes discussions, interrogeant le rôle de la violence dans ce médium « actif », la responsabilité de l’industrie, celle des joueuses et notre recul face à un médium de plus en plus immersif.
Créant à notre tour, presque 40 ans après la sortie du premier Doom, notre propre mod, nous avons voulu nous emparer de tout cet héritage de questions et de controverses, et les réactiver à travers une problématique qui nous est chère, celle de la place des personnes queers dans le jeu vidéo et plus particulièrement de la question de la réappropriation de la violence par les femmes et les minorités de genre en tant que stratégie politique
Si nous avons décidé de nous inscrire dans cet héritage et ce travail communautaire, c’est tout d’abord car le travail du mod est assez aisé pour les personnes ne maîtrisant pas la programmation, ce qui était notre cas à l’époque. Ensuite, les mods sont toujours créés dans un esprit “fanzine”, un peu cheap et partagés dans la masse d’autres contenus du même genre. Ce côté fanzine est assez important pour nous puisqu’il est intimement lié à la création d’objets vidéoludiques queers, souvent courts et amateurs.
Notre mod est assez basique et sa lecture et à la fois simpliste et frontale. Nous avons simplement remplacé le Doomguy, avatar d’homme classique, machine à tuer testostéronée, par une femme racisée au design assez “gender trouble”, lui avons ajouté des gants roses et avons agrandi le HUD pour permettre une meilleure visibilité de notre avatar. La seconde et dernière modification a été de remplacer les ennemis, à l’origine des monstres et démons, par des hommes blancs en costume. Dans notre mod, le but du jeu est alors d’incarner cette femme queer noire et de tuer des hommes représentants l’intersectionnalité des classes dominantes : la domination de classe, de genre et de race.
ASTROPOEMES
ASTROPOEMES est un générateur aléatoire d’horoscopes poétiques en ligne. Une fois que vous avez indiquez votre signe astrologique, l’astropoème apparaît, mélange à la fois d’horoscopes réels trouvés sur internet et de morceaux de poésies procéduralement choisies appartenant à quatre poètes différents : les révolutionnaires Yannis Ritsos (Grèce) et Juan Gelman (Argentine), ainsi que l’insurgé René Char.
Ce travail, ne comportant que quatre poètes hommes mériteraient d’être réactualisé en y incluant des poétesses. Mon choix se porterait sur Alejandra Pizanirk, Audre Lorde, Warsan Shire et Tzéni Mastoraki.
Au delà de la présence de poésie engagée, très importante pour moi, l’idée de faire un détournement d’une pratique liée à l’astrologie est simplement une sorte de clin d’oeil à la communauté LGBTQ+. La culture queer, étant une culture qui se construit dans la lutte constante pour sa reconnaissance et son existence est aussi une culture de la réappropriation. Particulièrement ces dernières années on a pu voir dans les jeunes communautés queers un attrait certain flirtant avec le second degré pour les pratiques divinatoires, de magie, tel que le tarot, l’astrologie, etc.. On peut y lire plusieurs choses : la mobilisation de l’héritage des sorcières et des pratiques qui échappent à la compréhension des puissants, souvent moquées et peu utilisées par les hommes, mais aussi la quête de soi dans une société normée, de son identité sexuelle, de genre, et dès lors, le tarot ou l’astrologie peuvent s’apparenter à une sorte de jeu de rôle introspectif.
TREE & LEAF
TREE & LEAF est un projet simple, effectué en 24h à l'occasion d'une game jam (événement organisé dans le but de développer un jeu en un temps imparti très court, généralement entre un et trois jours) organisée par Gamemaker toolkit. Le thème de cette jam était "Only One". Nous avons créé à partir de ce thème un petit jeu de plate-formes poétique et lunaire qui parle de la fin des temps. Le titre Tree & Leaf est un hommage à Tolkien et à son essai sur la poésie.
La Maison est un projet d’un jeu narratif, centré autour de l’idée de famille. Le concept de cellule familiale a souvent été remis en question par les personnes issues des milieux LGBTQ+, en effet, le cadre familial peut être toxique voire dangereux pour ces dernières : violences queerphobes, rejet, pressions psychologiques ou simple non-reconnaissance des identités de genre ou orientations sexuelles. Que l’on soit queer ou non d’ailleurs, la famille n’est pas forcément synonyme de bienveillance et de transparence, et souvent, certains souvenirs peuvent être durs à mobiliser et laisser des traces. La Maison est un travail qui souhaite parler de ces souffrances psychiques et physiques en questionnant l’image de la demeure familiale, comme endroit fantasmé entre nostalgie et cauchemars, l’endroit où l’on ne grandit jamais vraiment mais celui où on l’on revient toujours, ne serait-ce qu’en pensée.
Ici, nous revenons après de nombreuses années dans la maison familiale désertée, et devons visiter chaque pièce pour y affronter un souvenir, une peur, une névrose. La maison est parfaite pour cela, pouvant aisément devenir un motif d’univers inquiétants et surréalistes, elle constitue une architecture symbolique qui peut très bien être au dedans de nous, symbole de notre identité à travers notre famille comme un corps uni mais aussi de notre identité émancipée et dissidente de cette unité.
L’imaginaire convoqué est celui d’autres jeux narratifs comme What Remains Of Edith Finch,
mais aussi de livres comme La Maison Des Feuilles.
SKALA
SKALA est un jeu d’aventure/plateforme, qui propose une réflexion sur les attentes des joueurs et joueuses vis à vis du médium, et la responsabilité qu’ont les créateurices de jeux sur ces dernier-e-s quant à la finitude des jeux, de leur complétion totale ou parcellaire et des situations d'antagonisation qu’iels proposent.
L’histoire se passe dans un univers post-apocalyptique abstrait, où, pour terminer le jeu (et non pour le “gagner”) vous devez abattre chaque forme de vie que vous croiserez puisqu’elles sont porteuses d’un virus qui a transformé l’humanité. Cette trame simpliste permet d’aborder en sous-texte plusieurs problématiques.
Quel est l’intérêt de finir un jeu à 100% ? Est-il toujours moral de retenir ses joueurs/joueuses dans son jeu pour le pousser à terminer ce qu’iel a commencé ?
C’est une des réflexions que propose Skala, qui ne peut être fini qu’à 100% mais qui, une fois terminé, n’apporte aucun sentiment gratifiant de victoire mais plutôt une sensation désagréable de vanité et de solitude. Une fois fini, la musique disparaît du jeu, ainsi que les bruits, une partie des couleurs et des dialogues. Ce parti-pris est une critique des systèmes de jeu qui pratiquent la rétention artificielle de leurs joueurs/joueuses sur une durée de temps trop longue pour que l’amusement et l’apprentissage subsistent, menant leur jeu dans une impasse ludique et pédagogique.
L’autre idée importante dans Skala est le rapport aux ennemis et à l’antagonisation. Ici, abattre ses ennemis ne donne aucun sentiment de puissance ou d’accomplissement, mais laisse dans la bouche un goût amer, puisque ces derniers étaient les seuls autres êtres vivants du monde avec lesquels communiquer, et que les dialogues avec eux n’étaient en rien manichéistes, puisqu’ils suivaient nos progrès, nous encourageaient et partageaient avec nous la peur d’un monde qui change.
HYPERLAND
Nous voulions, pour mettre en scène nos idées, qu’elles concernent des choix graphiques, politiques ou mécaniques, un univers qui ne soit pas le notre, afin de travailler à partir de métaphores de notre monde. Nous avons choisi un univers de science-fiction de type post-apocalyptique, rempli de ruines et de technologies cryptiques que personne ne sait plus vraiment utiliser. L’idée est que ce monde soit plus post-révolutionnaire que post-apocalyptique, mais que les modes de vies, les paysages, qu’ils soient urbains ou naturels en aient été totalement changés.
Le personnage principal, notre avatar, appartient à un groupe de personnes qui voient ce changement comme un cataclysme, vivent isolées dans des sortes de bunkers, et nourrissent une très grande rancoeur contre les responsables de ce changement de société, sans qu’au début du jeu, nous ne sachions vraiment pourquoi. Parmi eux, un personnage, présenté comme notre mentor, nous envoie à la rencontre du monde extérieur, dans le but de trouver et de tuer ces anciens “révolutionnaires”. Notre personnage part alors se confronter à ces gens, qui représentent chacun, d’une manière plus ou moins marquée différentes minorités, mais, aura à chaque fois la possibilité de lâcher son arme et d’engager des dialogues ou simplement les tuer (les dialogues ne se lanceront pas si le personnage tient son arme, ce que la joueuse doit découvrir par elle-même). En choisissant les dialogues, la joueuse va entrer dans une nouvelle phase de gameplay, basée sur les dialogues à choix multiples. Pendant cette phase de jeu, la joueuse, se débrouillant plus ou moins bien, devrait, si elle n’a pas décidé de tuer la totalité des personnages non-joueurs (PNJ), comprendre un peu plus l’univers. Elle comprendra alors que ce qui est présenté comme une catastrophe par ses pairs est en fait une révolution menée contre eux par des groupes de personnes queers, des femmes, des personnes racisées, prolétaires, etc…
Le diplôme de l’ENSAPC se déroule en deux temps : la soutenance du mémoire écrit durant deux années de recherches (trouvable dans la catégorie “article” du site) puis la présentation des travaux artistiques menés durant cette recherche.
Pour l’occasion, nous avons construit et présenté au jury une salle d’arcade contenant en tout huit bornes sur lesquelles nos jeux étaient jouables. Nous avons également invité à ce diplôme nos ami-e-s de la communauté queer car tout d’abord, sans elles et eux, ce travail qui leur est en partie adressé, est porteur de moins de sens. Ensuite il était important que le jury puisse soit, dans l’idéal, jouer aux jeux proposés ou voir les jeux être joués, car l'interaction est tout de même une condition du médium.
En convoquant l'esthétique vieilli des salles d’arcades que nos générations n’ont pas connu, il s’agissait aussi de questionner sur la monstration du médium vidéoludique ainsi que sur la réappropriation de ces espaces par des personnes qui ont pu y être minorisées, comme les femmes et les minorités de genre.
MENTION : Excellente, félicitations du jury.
MEMOIRE DE RECHERCHE
"Jeux vidéo, une réflexion queer-féministe"
Le monde du jeu-vidéo n’est clairement pas un milieu où les problématiques queers et féministes sont mises en avant, et où il est facile de s’épanouir en tant que femme ou minorité de genre.
On parle d’un monde professionnel où l’écart de salaire entre hommes et femmes est de 25%, ce qui équivaut au plus grand écart de salaire européen, tous métiers confondus.
Les femmes ne composent d’ailleurs que 15% des salarié-e-s de l’industrie vidéoludique en France, sur environ 5000 postes. Comme dans l’industrie du cinéma, et d’ailleurs comme dans la plupart des corps de métiers, puisque nous vivons dans une société patriarcale aux stéréotypes de genre très figés, les femmes et minorités de genre sont isolées, harcelées, humiliées, menacées, violées. Le problème ne se limite évidemment pas qu’au sexisme.
Mais nous parlons aussi d’un médium artistique, qui est, comme chaque médium, une petite fenêtre nous permettant de voir comment notre société fonctionne. De plus, les jeux, à travers leurs mécaniques, leur narration et leurs graphismes, sont les vaisseaux d’idées souvent incroyables et qui peuvent faire changer la société et le médium lui-même.
Je n'y ai pas listé et imagé toutes les formes de harcèlements liées au sexisme et aux LGBT+phobies, qu’elles concernent les professionnelles ou les joueuses, car elles le sont déjà ailleurs et de nombreux témoignages existent. Ce mémoire ne se veut pas être un autre constat glaçant du sexisme dans le milieu du jeu-vidéo, mais plutôt une proposition de pistes à suivre pour celles et ceux qui souhaiteraient jouer et faire jouer à autre chose que des jeux faits par de jeunes hommes blancs pour de jeunes hommes blancs.
Dans l’idéal, j’aimerais pouvoir faire ressentir ce que j’ai éprouvé à la lecture du livre d’Anna Anthropy, c’est à dire l’envie et la détermination de fabriquer des jeux queers et politisés pour ma communauté et surtout car la représentation dans la culture compte.
COURS ET INTERVENTIONS AUX BEAUX-ARTS DE CERGY ET D'AIX EN PROVENCE
Au cours des années 2018/2019 et 2019/2020, nous avons décidé d'intervenir au sein de notre propre école, les Beaux-arts de Cergy. La première année, nous suivions le cours de Jeff Guess, pratiques algorythmiques, qui nous a lancé et nous a permis de commencer à pouvoir programmer et créer du contenu numérique en autonomie.
Suite à ça, nous avons décidé de créer un cycle de conférences/ateliers/discussions autour des jeux vidéo, puisque ce sujet n'était pas abordé cette année à l'école.
Nous avons donc organisé deux sessions mensuelles de 4h où nous développions un sujet précis en compagnie d'élèves et d'enseignant-e-s. Il était important pour nous de permettre d'aborder ce médium à la fois d'une manière historique, montrant que le jeu-vidéo avait lui aussi une Histoire de l'art, mais également d'une manière sociologique et pratique, en abordant les spécificité du médium comme les mécaniques, le level-design, etc...
Nous avons également proposé des sessions de jeu collectif dans le but de faire découvrir des jeux indépendants méconnus, des jeux avec de forts partis-pris artistiques ou des jeux au gameplay notable ou inédit.
Ces sessions se sont parfois transformées en expériences collectives proches de la performance, puisque le jeu en groupe change très vite la perception du médium et y ajoute une dimension de débat.
Nous avons pu y aborder entre autres ces sujets :
- Les différentes classifications du médium
- Histoire du jeu-vidéo LGBT+
- Jeux-vidéo et Japon, les jeux de la Team Ico
- Histoire des femmes dans le jeu-vidéo
- Le sublime dans le jeu-vidéo
- Les jeux narratifs
Nous avons eu la chance de pouvoir partager notre expérience avec d'auters écoles des Beaux-Arts, comme l'école d'Aix-En-Provence, qui compte un important pôle numérique et qui nos a invité pour un cycle de conférences lors de l'édition 2018 Les Mondes De l'Art, programme qui s'appuie sur les cercles concentriques autour du travail de création, dont le but est de mettre en lumière les différents environnements professionels du champ de l'art et d'en découvrir les aspects esthétiques, sociaux, politiques, économiques ou techniques.
INTERVENTIONS EXTERIEURES
L'éduction étant un principe important pour moi, j'ai eu la chance, en tant que membre de l'association Game Impact de participer au festival Superdemain, organisé à Lyon en novembre 2019. Ce festival est une production de Fréquence Ecoles, qui aborde pour tou-te-s les innovations ludiques et pédagogiques en matières de numérique.
J'y ai été invité pou animer des ateliers avec des classes de collégien-ne-s ayant pour thème "Dit moi à quoi tu joues et je te dirai qui tu es", question ludique pour aborder de manière détournée les stéréotypes d'âge, de genre et de classe présents dans le médium, mais aussi ses attraits, qu'ils soient artistiques ou techniques.
Dans un autre contexte et pour un autre public, nous avons également été présent durant la première game jam d'Arte. Le principe d'une game jam est simple : il s'agit de réunir développeur·euses, programmeur·euses, graphistes et divers artistes pour créer un jeu vidéo en un minimum de temps.
Si Arte nous a demandé d'être présent·e·s durant cette jam, c'est car la chaîne franco-allemande avait pour but de créer une game jam paritaire et la plus safe et bienveillante possible pour ses participant·e·s. Cette intention est louable quand on sait qu'en France, seulement 16% des effectifs globaux sont constitués de femmes et de minorités de genre.
En amont de cette jam, nous avons pu conseiller Arte en tant que personnes concernées, suggérer des modifications du programme ou des lieux afin de les rendre les plus accueillants possible pour les femmes, minorités de genre et LGBT+, personnes racisées, personnes en situation de handicap, personnes neuroatypiques, etc...
Parmi les initiatives prises avant la jam nous avons pu mettre en place l'accès libre à des protection hygiéniques, la création d'un "safe space", sans bruit et avec la présence de l'un de nous, la neutralité des toilettes ainsi qu'une charte de comportements à adopter.
Durant la jam, nou étions présent·e·s afin d'assurer une médiation entre les participant·e·s ou entre les particpant·e·s et Arte en cas de soucis de discrimination, et comme soutient psychologique si quelqu'un·e venait à se sentir mal.