Anna Anthropy est une créatrice de jeux-vidéo et écrivaine américaine queer, présente sur internet sous plusieurs pseudos, Auntie Pixelante, Dessgeega, Ancil Anthropy… et qui propose, d’une manière très liée à la culture fanzine, un contenu très varié, jeu de rôles, fictions interactives, jeux-vidéo de toutes sortes, tous liés à l’univers LGBTQ+ et aux questions queers. Dans son livre, qui est à la fois un texte théorique et un manifeste pour le jeu-vidéo indépendant, de son titre complet : Rise of the Videogame Zinesters: How Freaks, Normals, Amateurs, Artists, Dreamers, Dropouts, Queers, Housewives, and People Like You Are Taking Back an Art Form, Anna Anthropy appelle les amateurs et amatrices de tous bords, les “zinesters”, à créer ce que l’industrie contemporaine se refuse à faire.
“What I want from video games is a plurality of voices. I want games to come from a wider set of experiences and present a wider range of perspectives. I can imagine – you are invited to imagine with me – a world in which digital games are not manufactured by publishers for the same small audience, but one in which games are authored by you and me for the benefit of our peers. (…) I like the idea of games as zines : as transmissions of ideas and culture from person to person, as personal artifacts.”[1]
La forme proposée n’est pas celle des jeux vidéos habituellement plébiscités, mais une forme liée aux pratiques du fanzine, c’est à dire de petits jeux amateurs, faits à partir de dessins en 2D, de textes, de graphismes glanés ça et là, codés à partir de logiciels simples d’utilisation, en utilisant par exemple davantage le visual scripting[2] que la programmation classique.
Anthropy raconte souvent comment elle a décidé de quitter l’industrie et les grosses productions pour rejoindre le monde du jeu-vidéo indépendant. Fâchée contre les jeux Mario Galaxy et Metal Gear Solid II, qu’elle juge “condescendants”, “sexistes” et “stupides”, elle arrête toute création pendant un an, avant de découvrir le logiciel Game Maker, et de commencer à créer ses propres contenus.
Le but de sa production n’est pas de bannir les jeux dits « Triple A» mais d’apporter une « pluralité de voix » où les personnes issues de groupes sociaux minorisés peuvent se reconnaître. Ainsi, Calamity Annie est un pastiche d’arcade à l’ancienne en forme de duel cowboy sur fond d’histoire d’amour entre deux femmes.
L’histoire de Calamity Jane, et surtout son adaptation cinématographique de 1953 est d’ailleurs un film bien connu pour proposer un des premiers rôles de duo féminin de ce type, que la communauté LGBTQ+ s’est réapproprié, en en faisant une référence culturelle lesbienne entre une figure fem et une figure butch.[3]
Si les zinesters peuvent aussi bien créer des magazines, des livres, des peintures ou encore des sculptures, ils sont également très répandus dans l'univers des jeux vidéo. Bien que le phénomène soit malheureusement très méconnu, les amateurs et amatrices produisent chaque année bien plus de jeux vidéo que les industriel-e-s. Et cela n'est pas nouveau, car dès le début des années 80 des outils ont commencé à apparaître pour faciliter la création de jeux vidéo pour les amateurs et amatrices, par xemple Eamone[4] et Pinball Construction Set[5].
Cela peut donner des jeux comme Dys4ria, parlant de son parcours en tant que femme trans, et de la dysphorie qu’elle a ressentie durant les six premiers mois de sa transition hormonale. Un jeu très simple, avec des graphismes en 8-bit, construit comme une succession de mini jeux en quatre tableaux où vous devez réaliser une action simple : marcher, éviter des projectiles, diriger un rasoir… Elle le décrit comme étant :
“un jeu autobiographique sur la période de ma vie où j'ai commencé un traitement hormonal de substitution. C'est une histoire à mon sujet, et elle n'est certainement pas là pour tenter de représenter l'expérience de tout transgenre.”
et insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un “jeu empathique”.
Ce jeu aborde sa transition hormonale à travers quatre niveaux : Level 1 : Gender Bullshit, Level 2 : Medical Bullshit, Level 3 : Hormonal Bullshit, Level 4 : It Gets Better ?. Une série de micro-actions dans des tableaux colorés très simples permettent de suivre la narration de sa transition. Dans le premier niveau elle aborde sa dysphorie, c’est à dire le malaise face à un corps qui ne correspond pas à son identité de genre. Elle y parle de sa pilosité, de sa corpulence, de son ressenti face à toutes ces personnes qui l’appellent “sir”.
Le niveau 2, “Medical Bullshit”, raconte son expérience de transition dans le monde médical, ses RDV chez les psychologues[6] et les endocrinologues, ses premières prises d’oestrogènes et leurs effets, et toujours son rapport et sa confrontation au regard des gens. Dans “Hormonal Bullshit”, on voit son corps évoluer, les poils que nous devions raser dans les niveaux précédents commencent à disparaître, les transformations se font plus visibles et sensibles. Le dernier niveau raconte l’après, ce qui a changé et ce qui est resté identique, l’après transition sociale et médicale.
Ses jeux traitent des problématiques queers d’une manière assez radicale. Non dénuées d’humour, les références à l’univers queer ne sont pas voulues pour être à la porté de tou-te-s, elles sont parfois cryptiques ou provocantes, souvent engagées, mais toujours voulues pour apporter des représentations différentes. L’un de ses autres jeux, Mighty Jill Off, parle de lesbiennes et de BDSM, elle y aborde la manière dont elle ressentait l'éloignement de sa compagne, ainsi que le rapport dominant/dominé de sa propre relation sentimentale. Son champ d’activité ne se limite pas aux jeux-vidéo, dans cet esprit “fanzine”, elle encourage à explorer toutes les branches du médium. Elle a ainsi travaillé sur des jeux d’arcade, comme Keep Me Occupied, un jeu d’arcade collaboratif pour deux joueuses, mettant en scène des manifestant-e-s du mouvement “occupy Oakland” qui lors du “move-in-day”[7] arpentent les rues tandis que des grenades lacrymogènes et assourdissantes explosent autour d’eux. S’interrogeant aussi sur des formes de jeu plus classique, elle n’a pas manqué d’étudier les rapports sociaux mis en oeuvre dans les jeux d’échecs, à la manière de Takako Saito et de ses Smell Chess en 1965.
L’américaine Porpentine est une créatrice souvent rapprochée de Anna Anthropy. Également queer et transgenre, elle travaille aussi avec l’idée de jeux-fanzines, et est connue pour utiliser Twine, petit logiciel gratuit permettant très simplement d’écrire des fictions interactives en html à la manière des “livres dont vous êtes le héros/l’héroïne”. Ses jeux, comme No World Dreamers: Sticky Zeitgeist utilisent plutôt des univers de science-fiction pour traiter de sujets liants le genre, la sexualité et l’écologie. A la fois fictionnel et autobiographique, son monde est un univers cheap-à-paillettes de DIY, plein de subversions et de blagues crypto-gay. Ses personnages n’ont pas de genre définis, iels peuvent être des robots fem munis de pénis se genrant au féminin, des humanimaux trans ou gender trouble, souvent neuro-atypiques[8], qui évoluent dans des dystopies où des mondes de science-fiction, ce qui crée des ambiances à la fois dérangeantes mais réconfortantes à travers les liens empathiques que nous créons avec ces personnages, que Porpentine construit comme s’il s’agissait “d’ami-e-s imaginaires”.
Les sujets de ses travaux sont intimements liés à des sentiments “tabous” ou des sujets desquels les joueuses n’ont pas l’habitude de parler. Ils abordent régulièrement des thèmes comme le traumatisme, le harcèlement, les abus sexuels et sentimentaux et la précarité - que Porpentine décrit comme les ayant vécus personnellement, en tant que “trash woman”-. Mais autant ces thèmes sont extrêmements lourds à aborder, autant le côté fictionnel et extralinguistique -apporté par les mécaniques- permet une approche plus empathique que pathétique. Au lieu de proposer un commentaire direct et accessible sur l’état du monde, ses jeux fonctionnent grâce à de nombreux fragments très spécifiques d’écosystèmes hypothétiques qui obéissent à des règles singulières et dont les comportements sont propres à ses fictions. Ainsi dans No World Dreamers: Sticky Zeitgeist, nous jouons une humanimale louve, trans, qui doit se rendre à son travail, une base scientifique qui l’envoie ramasser des déchets radioactifs dans des marais. Avant cela nous avons une vue de sa chambre, et après l’avoir vue se masturber, nous la voyons fouiller dans ses poubelles à la recherche de sa dose d’oestrogènes et de “girl chunk”, produit qui semble être à la fois une drogue et un lubrifiant. Le jeu est multiplateforme, le premier épisode est créé sur Twine, sous forme d’hypertexte, et le second est un petit RPG en vue isométrique créé sur Game Maker. Le gameplay est surtout textuel, et l’histoire se passe dans un univers de pixel qui rappelle les plans de certains sitcoms des années 90. Son univers coloré et cyberpunk est assez fascinant, et est selon moi, une facette très importante du jeu-vidéo queer.
Dans la même veine, Merritt Kopas travaille sur les relations et le sentiment empathique. Son mot d’ordre est de travailler sur :
"the capacity of digital games to convey care relationships; either to provide a sense of care to the player or to invest her in the project of caring for another.”[9]
Dans Lim, les choix graphiques épurés invitent la joueuse à incarner un carré, qui clignote et n’a pas de couleur fixe. Son but est de traverser différents environnements peuplés d’autres carrés de couleurs différentes, qui, lorsqu’ils le remarquent, l’attaquent violemment. Pour y échapper, la joueuse peut choisir de se « mélanger » en changeant son apparence, mais cet effort sera tout aussi violent que la première expérience : la caméra zoome sur son avatar jusqu’à donner l’impression de suffoquer tandis que l’écran se met à bouger de manière incontrôlée. On ne peut choisir qu’entre une violence infligée par les autres ou par soi-même. Quoiqu’il arrive, l’expérience est violente et la progression impossible tente de reproduire l’exclusion vécue par l’auteure à travers les mécaniques de jeu.
Il est important de prendre en compte l'essor du jeux indépendant dans la représentation queer dans les jeux vidéo, l'arrivée de logiciels souvent gratuits de création de jeu vidéo a permis à un plus large public de s’exprimer et de proposer une vision différente du jeu. C’est évidemment le cas d’Anna Anthropy qui a fait ses première armes sur Twine et sur Game Maker.
“Through Game Maker, I suddenly found all these people on the Internet making games and distributing them like zines. So I started playing those games instead. And they opened up this crazy new world for me”[10]
Le premier, comme nous l’avons dit plus haut, propose d’écrire très simplement des fictions interactives et le second offre à ceux qui veulent se lancer dans la création de jeux en 2D un outil très puissant avec un support en visual scripting[11]. Ces outils, et bien d’autres encore, ont permit un essor de jeux à bas budget, et surtout une plus grande diversité.
On peut notamment parler du jeu Dandara, jeu indépendant en 2D sorti l’année dernière, qui prend comme héroïne une guerrière noire Brésilienne. Dandara est une figure historique qui a réellement existé, connue pour s’être échappée durant l’époque coloniale et avoir défendu des villages d'esclaves en fuite, et qui, en 1694, après avoir été faite prisonnière préféra se suicider en se jetant dans le vide plutôt que de redevenir esclave. Ces quelques connaissance sur le personnage historique de Dandara ont permi aux créateurs.rices du jeu de nous proposer une épopé de science fiction qui se rapproche beaucoup des fictions Afro-Futuristes, et de leur utilisation, par exemples des figures mythologiques des Drexciya, fils et filles-sirènes des femmes esclaves noires qui se jetaient à la mer, parfois enceintes, depuis les bateaux emportant les esclaves vers l’Europe ou les Etats-Unis.
La mécanique principale du jeu fait que Dandara ne peut pas se déplacer en marchant mais seulement en sautant, en “se jetant dans le vide”, référence directe à son suicide. La science-fiction est un outil qui peut être très puissant pour parler de problématiques sociales et politiques, et facilement mise en oeuvre dans des jeux-vidéo. Des écrivains comme Samuel R. Delany, Italo Calvino ou Gabriel García Márquez, ont brillamment utilisé la science-fiction ou le réalisme magique pour parler de leur vision de la société. Cent Ans de Solitude ou Cosmicomics en sont de très bons exemples, et je pense que des jeux comme Dandara s’inscrivent dans l’héritage de ce genre de pratiques.
D’autres jeux peuvent être plus frontaux. L’édition 2018 de l’IndieCade Europe, festival de jeu-vidéo indépendant a permit à beaucoup de créatrices de donner leur avis sur la situation du sexisme dans le jeu-vidéo. Certaines des interventions ont été très importantes pour moi, me donnant des pistes et des solutions à suivre dans la création de mes prochains jeux.
Hannah Nicklin, écrivaine, game designer et narrative designer, lors de son intervention titrée Kill The Hero, Save The World[12], a soulevé un point très intéressant et en soi assez peu traité dans le monde du jeu-vidéo. Selon elle, la figure centrale d’un héros inamovible, seul face à l’adversité, est un écueil qu’il faut désormais éviter pour faire avancer le médium. Cette figure du héros est développée dans le livre de Joseph Campbell, Le Héros aux mille visages, essai de mythologie comparée, abordant le thème du monomythe. Selon lui, il s’agit du mythe qui a influencé et façonné des milliers d’histoires qui racontent finalement toutes la même histoire : celle de la quête initiatique d’un personnage, traditionnellement masculin.
La structure fondamentale avancée par Campbell se compose de cinq grandes étapes:
-Un appel à l'aventure, que le héros doit accepter ou décliner.
-Un cheminement d'épreuves, où le héros réussit ou échoue.
-La réalisation du but ou du gain, qui lui apporte souvent une meilleure connaissance de lui-même.
-Un retour vers le monde ordinaire, où le héros réussit ou échoue.
-L'utilisation du gain, qui peut permettre d'améliorer le monde.
Ce principe du monomythe est lisible dans beaucoup de fictions contemporaines, qu’elles soient dans les jeux-vidéo, la littérature ou le cinéma. L'une des plus fameuses reprises de ce mythe a été faite par George Lucas, qui a reconnu s'être inspiré de Campbell pour concevoir l'intrigue des films de Star Wars.
“This talk is called ‘kill the hero, save the world’ and because I’m a writer it has an excruciatingly predictable double meaning. Because I think that killing our heroes might produce better narrative worlds in games, but I also think there’s something politically urgent about destroying the narrative of heroic exceptionalism.”[13]
Hannah Nicklin propose de casser ce mythe en apportant aux fictions un côté “choral”. Ainsi, elle explique qu’en créant plusieurs personnages principaux, qui ne sont pas forcément tous en accord et qui ne résolvent pas les situations de la même manière, la pluralité des voix portées amènera une forme différente de fiction. Les romans ou films choral sont déjà chose plus courante, comme Les Détectives Sauvages[14] de Roberto Bolano, qui propose une lecture sociale du Mexique des années 70 à 90, à travers des personnages de jeunes étudiant-e-s, poèt-ess-es, prostitué-e-s, drogué-e-s, écrivain-e-s…
“I believe that the hero format prominent in games storytelling (and indeed, prominent since the era of Aristotle) - the idea that we follow the story of a single individual versus the world (or a series of antagonists, or a long and dull series of side quests) is largely not suited to the majority of games that intend to run longer than 2-4 hours.”[15]
Dans le jeu vidéo, nous trouvons moins ce genre de situation. Des jeux comme Pyre le propose, partageant les paroles et actes entre une dizaine de personnages, et ainsi permettant une variété de contextes, et de points de vues, parfois conflictuels, qui eux-même amènent différents niveaux de scénario, de différentes longueurs et apportant une profondeur très importante à l’univers traversé.
Politiquement, comme le dit Hannah Nicklin, il est urgent de permettre une plus grande représentation sociale à travers les personnages principaux. Avec un grand nombre de personnages, nous n’avons plus aucune excuse de ne représenter qu’un jeune homme blanc et viril, et il faut alors saisir l’occasion et écrire des personnages issus de minorités, et leur permettre de traiter de leurs propres problématiques, en tant que personnages concernés. Avoir une pluralité de discours permet aussi d’éviter de tomber dans l'écueil d’un personnage qui détiendra un sens moral absolu, apportant forcément une lecture biaisée et assez manichéenne des événements. Ainsi dans Pyre, nous nous retrouvons avec une assez belle parité entre les personnages féminins et masculins, et qui ne sont jamais un stéréotype de leur propre genre.
Une autre game designer, Angela Washko, a présenté lors de ce festival son prochain jeu The Game: The Game, a Pick-up Artist Simulator. Ce jeu est le résultat de ses recherches sur un groupe de personnes appelées les pick-up artists, qui sont des hommes autoproclamés habiles à rencontrer, attirer et séduire les femmes. Le titre est d’ailleurs une référence au livre The Game : Les secrets d'un virtuose de la drague, de Neil Strauss, faisant partie de cette communauté. Le terme vient de l'anglais américain, signifiant littéralement « artiste de la drague ». La plupart du temps ces hommes font payer à d’autres hommes crédules des cours de drague sur internet, généralement assez chers, et qui apprennent davantage comment agresser et outrepasser le consentement d’une femme plutôt qu’à la séduire. Il n’est pas rare de voir ces hommes agresser des femmes dans des vidéos de type “caméra-cachée”, puis expliquer sur internet comment ils ont réussi à en arriver là. Il ne s’agit au final de rien de plus que de manipuler des femmes à des fins sexuelles. Angela Wasko, suite à ses recherches a même rencontré l’un des plus connus d’entre eux, Roosh V., auteur du livre Banged, dans lequel il raconte ses conquêtes sexuelles dans le plus de pays possibles. Suite à leur discussion[16], elle décide de créer un jeu-vidéo parlant de ces hommes, souvent perçus par leur communauté comme des gourous : The Game: The Game, a Pick-up Artist Simulator. Pour créer ce jeu, elle a, pendant deux ans, capturé des images réelles des vidéos de drague de ces hommes, transformés ces images en cyanotypes, et les as tout d’abord mises en scène dans une installation immersive exposée dans divers expositions[16], puis sous forme d’un jeu de type “dating simulator”[17].
The Game: The Game est un jeu-vidéo qui présente les pratiques de plusieurs coachs de séductions très connus (c’est à dire les “pick-up artists”) à travers le format d’un dating simulator. Dans ce jeux, ces gourous de la drague essayent de séduire la joueuse en utilisant leurs propres techniques, relevées directement dans leurs livres ou vidéos. La joueuse se “confronte” à six d’entre eux, qui lui barrent le chemin dans un bar puis essayent de garder son attention, afin de l’amener à avoir des relations sexuelles avec eux à travers des séries de dialogues. Ce jeu permet d’explorer à la fois le sexisme, le danger et le malaise inhérents à ces situations tout en montrant la complexité de la construction des comportements sociaux lors de la drague, d’autant plus quand nous incarnons un personnage de femme.
“The persistence varies from pick-up guru to pick-up guru, most of the femme-presenting individuals who played the game and gave me feedback (during play-testing or at the exhibition) recognized this as a familiar experience. The pickup artist/seduction community has its own language for describing their behaviors. From how they escalate familiarity and gauge interest by touching their conquest target to the moment when a conquest target expresses that they are not going to have sex with the pick-up artist even though all signs pointed otherwise (last minute resistance or LMR).””[18]
Ce jeu peut parfois être extrêmement dur et malaisant, tant par le côté sexuellement explicite du contenu que par le climat de peur et de pression qui s’installe progressivement. Je pense que ce jeu peut être très utile, moins comme outil d’empowerment, mais plutôt comme quelque chose de pédagogique visant plutôt les personnes non concernées. Angela Washko ajoute qu’elle espère que celleux qui n’ont jamais eu leur espace personnel envahit, leur corps touché sans leur permission pourront trouver dans ce jeu un exemple de ce que cela peut faire.
[1] Voir lexique.
[2] En anglais, fem ou femme, est l’abréviation de “feminine” et décrit une personne queer se présentant d’une manière féminine, quel que soit son genre. A l’origine, dans les années 40, ce mot était utilisé pour différencier les lesbiennes “butch” (abréviation de « butcher » (boucher) en anglais), masculines, des lesbiennes “féminines”
[3] Eamon, autrement appelé The Wonderful World of Eamon, est un jeu d'aventure textuelle créé par Donald Brown, sorti en 1980 sur l'Apple II. Il est le précurseur des multi-user dungeon. Eamon est connu pour être l'un des premiers jeux d'aventure conçu pour être modulable, à l'aide d'extensions écrites par Brown ou par les joueuses elles-mêmes.
[4] Ce programme permet au joueur de créer un jeu de flipper, sans nécessité de connaissance en programmation, simplement en sélectionnant et en positionnant les différents éléments d’un flipper. Il est l’un des premiers programmes à offrir au joueur la possibilité de construire son propre jeu vidéo.
[5]Pour commencer une transition, il faut forcément l’aval de psychologues. En France, ces psychologues font partie d’un organisme de santé, la SOFECT, Société française d'études et de prise en charge de la transidentité, qui malheureusement psychiatrise les transidentités qui en vérité continuent à perpétuer des idées nocives et dangereuses sur les personnes trans, et à leur faire traverser de véritables épreuves. La SOFECT étant la seule institution à ce jour à pouvoir promettre un remboursement à 100% du parcours, il est quasiment impossible de passer à côté. Il faut par ailleurs , selon les protocoles, ne pas être marié.e, avoir plus de 23 ans, ne pas avoir d’enfant mineur, ne pas avoir le VIH ou l’hépatite C, être hétérosexuel.le dans « son genre d’arrivée après transition ». Parfois, on demande à la personne trans de passer un test de « vie réelle », c’est-à-dire de vivre en tant que son genre ressenti sans aucune transition médicale pendant une à plusieurs années – ce qui évidemment est très dangereux, en plus d’être cruel.
[6] Le 28 janvier 2012, les activistes du mouvements “occupy” lancent un mouvement d’occupation de certains bâtiments
[7] Neuro-atypique est un terme créé par la communauté autistique pour qualifier les gens qui sont atteints par des troubles du spectre autistique. Cependant, le terme est devenu au fil du temps un mot désignant toute personne avec des différences neurologiques.
[8] Merritt K : “ La capacité qu’on les jeux numériques de parler des relations, soit pour amener à la joueuse le sentiment de “care”ou pour la faire s’investir dans la prise en charge émotionnelle de quelqu’un d’autre.”
[9] Anna Anthropy, à la Golden Eagle Dîner (Bronx) : “ À travers Game Maker, j’ai soudain trouvé toutes ces personnes sur internet qui fabriquaient leurs jeux et les vendaient comme des zines. Donc j’ai commencé à jouer à ces jeux à la place [des grosses productions]. Et ils ont ouvert ce monde incroyable pour moi.”
[10] Voir Lexique
[11] Kill The Hero, Save The World, “Tue le héros, sauve le monde”, intervention d’Hannah Nicklin donnée lors de l'IndieCade 2018, Paris octobre 2018.
[12] Intervention d’Hannah Nicklin donnée lors de l'IndieCade 2018, Paris octobre 2018. “ Cette conférence s’appelle ‘Tue le Héro, sauve le monde’’. Comme je suis écrivaine, ce titre a un double sens douloureux. Car, tout d’abord, je pense que tuer nos héros pourra produire de meilleurs monde narratifs dans les jeux, mais car je pense aussi qu’il y a quelque chose de politiquement urgent dans le fait de détruire la narration exceptionnaliste du héros.”
[13] Il y a d’ailleurs un rapprochement à faire avec le réalisme magique de Garcia Marquez, écrivain qui est clairement l’une des sources d’inspiration de Bolaño dans ses deux romans principaux, les détectives sauvages et 2666.
[14] “ Je crois que le format du héros unique dans la narration vidéoludique (et bien-sûr, proéminent depuis d’ère d’Aristote) - l’idée que nous suivons l’histoire d’un seul individu face au monde (ou une série d’antagonistes, ou même une longue et morne série de quêtes annexes) ne convient en général pas à la plupart des jeux pensés pour durer plus de 2 à 4h.”.
[15] BANGED: A Feminist Artist Interviews The Web's Most Infamous Misogynist : https://angelawashko.com/artwork/3687420-BANGED-A-Feminist-Artist-Interviews-The-Web-s-Most-Infamous-Misogynist.html
[16] Brooklyn’s Transfer Gallery, Museum of Moving Image (NYC)
[17] Simulation de rendez-vous, simulation de drague.
[18] “La persistance [dans la drague] varie d’un pick-up gourou à l’autre, la plupart des individus assigné femme qui ont joué au jeu et m’en ont donné un retour (durant les séances de play-test ou dans les expositions) on reconnu qu’il s’agissait d’expériences familières. La communauté des pick-up artists/séducteurs a son propre langage pour décrire leurs comportements. Comme lorsqu’ils surenchérissent dans les familiarités et jauge l’intérêt de leur proie-conquête en la touchant, ou encore comment réagir quand cette proie exprime ne pas vouloir avoir de relations sexuelles alors que tous les signes portent à croire le contraire (résistance de dernière minute ou RDM).”